" Faites l’amour, pas la guerre ! "
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 » Faites l’amour, pas la guerre ! « 

Culte de l’Entraide et du groupe de prière du dimanche 27 mai 2018

Série « joli mois de mai » n°3 par le pasteur Jean-Marie de Bourqueney

Lecture : 1 Corinthiens 13

 

 

Texte de la prédication

 » Faites l’amour, pas la guerre ! « 

1 Corinthiens 13

Jean-Marie de Bourqueney

Mai 68 ! Nous avons tous des regards différenciés sur ces événements et sur les conséquences dans la durée de cette ébullition mondiale du printemps 68. Quel que soit le jugement que, les uns et les autres, nous portons sur ces événements, force est de constater qu’il y eut une formidable créativité dans le dessin et dans les slogans. La poésie devint quotidienne, créative. Mon angle n’est donc pas politique. Mais bien spirituel, car je demeure convaincu qu’il y eut une démarche quasi-religieuse ou mystique dans l’esprit de beaucoup. Je reprends donc à mon compte ce slogan « faite l’amour pas la guerre », mais je ne suis pas sûr ce matin de l’interpréter exactement de la même manière que ceux qui ont créé ce slogan…

Toutes les civilisations défendent d’une manière ou d’une autre un principe de l’amour, au travers du respect de l’autre et des mécanismes d’entraide. Dans notre catéchisme classique, nous avons toujours développé cette logique du don et de la « Bonne Action », la fameuse BA. Est-ce suffisant pour refléter cet amour dont le texte biblique nous parle ? Pas exactement. Le parcours biblique nous invite à un processus qui d’une simple logique du don à celle, plus complexe, de l’échange. Je vous propose, à partir de ce beau texte de 1 Corinthiens 13, cinq étapes :

  1. Prise en compte de la condition humaine

Déjà, dans le livre du Deutéronome, il nous est dit : aimez l’émigré parce que vous étiez émigrés. À partir de la situation du peuple d’Israël qui se construit dans un déplacement (Exode, Exil) il est rappelé qu’on ne doit jamais oublier le passé, afin de prendre en compte toute situation actuelle. Au-delà de ce cas, il s’agit, pour nous, d’une véritable prise en compte de la fragilité humaine. La Bible ne cesse de résonner comme un appel au renouvellement, mais pas comme un appel à l’oubli, un appel à la transformation, pas à la rupture, à la différence des sectes ou des intégrismes. Ces mouvement s de radicalisation et de haien du monde repose sur une rupture : sortir du monde. Cela se fait généralement sur le terrain de nos moments de fragilité, nso propres ruptures sentimentales, sociales, professionnelles, etc… C’est toujours une série d’événements ou de perceptions du monde qui nous mènent sur la voie de l’exclusion. Cela s’applique parfois aussi à la maladie, bref à tout ce qui nous empêche d’être acteurs de nos vies, lorsque nous subissons sans agir…

  1. Comment s’en sortir ?

Sans dote par les vertus de l’amour, dont il est question dans ce texte : l’agapè. On fait généralement un contresens sur ce texte, n°1 des mariages. L’agapè n’a rien à voir avec la conjugalité, avec l’éros.  On français, on peut aimer Dieu, on peut aimer sa femme, on peut aimer le foie gras en utilisant le même mot. Le grec biblique est plus précis car il comporte trois verbes différents : agapéo (l’amour de Dieu et l’amour fraternel auquel il nous invite), erotéo (l’amour conjugal, humain), philéo (l’appréciation positive d’une chose, qui a donné le mot « philosophie », le fait d’aimer la sagesse).

Je vous ai mis sur la feuille de culte, ce tableau du Titien que j’ai découvert récemment à Rome : « Amour sacré et amour profane », daté de 1514. Contrairement à une première impression, la femme nue désigne l’amour sacré avec la fumée qui monte vers le ciel divin. A l’arrière de cette femme, un chien, symbole de fidélité, et des moutons dont Dieu est la brebis.  Au loin, une église, rappelant la vocation du sacré. Cette femme « sacrée » regarde vers l’autre femme, habillée en robe de mariée, comme pour l’appeler. Derrière cette mariée, une riche demeure et des lapins, symboles de fertilité. Au milieu, Cupidon brouille l’eau de la surface, comme pour établir un lien entre ces deux facettes de l’amour, entre l’agapè et l’éros.

L’agapè est donc d’abord l’amour de Dieu pour l’humanité qui me pousse ensuite à aimer mon prochain. C’est un renversement de la logique du simple don : c’est bien parce que je suis aimé que je peux aimer. Cela nous rend modestes ; cela nous évite de vouloir tout régler par nous-même. La religion, pas plus que la vie n’est une volonté égocentrée de sauver le monde, mais une humilité de recevoir. C’est aussi cette conviction que l’on retrouve chez les Réformateurs lorsqu’ils évoquent le salut, celui que l’on reçoit, et non celui que l’on gagne par ses propres moyens. Cela change notre perspective : l’amour, l’entraide, ce n’est pas un devoir, une obligation, ou pire un examen qui me donnerait un diplôme pour entrer dans un prétendu paradis, mais un don qui se transforme en partage.

  1. Sortir de l’ego

« L’amour prend patience, rend service, … » Quel bel idéal à atteindre ? Oui, mais c’est d’abord l’amour de Dieu qui est ainsi qui me montre une forme de « souci de l’autre ». Le sens de ma vie n’est pas en moi mais entre nous. Je découvre, en sortant de mon pur ego, que ce sont les relations avec les autres et avec l’Autre qui me construisent et évitent de faire de moi un poisson rouge dans un bocal.

Cela va à l’encontre d’une idée qui domine notre temps que chacun doit SE construire, et que l’on doit réussir SA vie. C’est vrai mais cela passe, nous dit ce texte, par la relation, par l’échange, par un déplacement de mon ego. Trouver sa joie dans la Vérité ! Ce n’est pas uniquement un concept mais une réalité vécue… Ce sont notamment ces « moments de grâce » qui peuvent surgir dans nos actions d’entraide qui sont souvent dures, parce que confrontées à des situations difficiles.

  1. Entrer dans une dynamique, un processus

Le texte finit sur l’idée d’une progression, dans laquelle Paul s’inscrit. Il prend l’exemple de l’enfance vers l’adulte. Il va vers le Royaume comme horizon. Cela signifie que la perfection n’appartient pas à la condition humaine et que je dois toujours tendre vers elle sans jamais l’atteindre. Mais l’imperfection fait naître le besoin de ce chemin à emprunter comme processus d’échange : j’ai besoin des autres ! Il nous faut apprendre à être aidés, ce qui en fait est très difficile. Il est infiniment plus simple d’aider que d’être aidé. Nous avons tous une forme d’orgueil à croire que nous pouvons toujours nous en sortir par nous-même. Mais c’est bien un orgueil ! Le péché !

L’attente du Royaume n’est pas une attitude passive ici. Ce n’est pas un espoir sans action mais une espérance qui nous engage à l’action

  1. Hospitalité

Comme le résultat de ce processus, l’ensemble des épîtres du NT nous invite à l’hospitalité : parce que j’ai besoin des autres et que les autres ont besoin de moi, mon territoire ne peut être clôturé d’un mur sans porte ni fenêtre. Je suis dans une famille.  Cela nous renvoie au début de notre texte : ne pas se glorifier de nos actes mais glorifier Dieu. Il n’y a pas de CV pour postuler et entrer au paradis…

Notre éthique s’enracine dans ce don reçu mais n’a pas pour but de faire de moi un champion mais un bénéficiaire d’une aide, celle de l’agapè, de l’amour. Nous sommes tous les bénéficiaires de l’Entraide.

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